Différents types de soldats et leur armement respectifs
Quand les recrues se sont assemblées au jour et à l’endroit marqué, on prend les plus jeunes et les moins riches pour en faire des vélites. Ceux qui composent la prochaine classe d’âge feront les hastatis; les plus forts et les plus vigoureux composeront les principes. On prendra ensuite les plus anciens pour en faire les triarii. Ainsi chez les Romains chaque légion est composée de quatre sortes de soldats, qui ont tous différent noms, différent âge et différentes armes.
La répartition est faite de telle sorte que les anciens, c'est-à-dire les triarii soient 600, puis 1200 principes, et autant de hastatis; le reste, les plus jeunes seront tous des vélites.
Si la légion comporte plus de quatre mille hommes, les proportions existant entre les catégories restent les mêmes, néanmoins le nombre des triaires ne change jamais. Les vélites sont armés d'une épée, d'un javelot, et d'une parma, espèce de bouclier résistant et assez grand pour protéger un homme efficacement. Il est de forme ronde et il a trois pieds de diamètre. Ils ont aussi sur la tête un casque sans crinière, qui cependant est quelquefois couvert de la peau d'un loup ou de quelque autre animal, tant pour les protéger que pour les distinguer, et faire reconnaître à leurs chefs ceux qui se sont signalés dans les combats. Le bois de leur javelot a ordinairement deux coudées de long et un doigt de grosseur. La longueur du fer est d’un empan, et si effilée qu’il se recourbe premier coup, de sorte que les ennemis ne peuvent la renvoyer ; c'est ce qui la distingue d’autres traits.
Les hastatis, plus avancés en âge, ont ordre de porter l'armure complète, c'est-à-dire un bouclier convexe, large de deux pieds et demi et long de quatre; le plus long est environ de quatre pieds et une palme : il est fait de deux très fines planches (bois de peuplier tranché), collées l'une sur l'autre avec de la gélatine de taureau, et couvertes en dehors, premièrement d'un tissus, et par-dessus d'un cuir de veau. Les bords de ce bouclier, en haut et en bas, sont garnis de fer pour recevoir les coups de taille, et pour empêcher qu'il ne s’abime pas lorsqu’on le pose contre terre. La partie convexe est encore couverte d'une plaque de fer, pour parer les coups violents, comme ceux des pierres, des sarisses et de tout autre trait envoyé avec une grande force.
Le Glaive est une autre arme des hastatis, qui la portent sur la cuisse droite et l'appellent l'ibérique. Elle frappe d'estoc et de taille, parce que la lame est bien trempée et ne plie pas. Ils portent outre cela deux javelots, un casque de bronze et des bottines. De ces javelots, les uns sont gros, les autres minces : les plus forts sont ou ronds ou carrés; les ronds ont quatre doigts de diamètre, et les carrés aussi; les minces ressemblent assez a un épieu de chasse de dimensions normales. La hampe de tous ces javelots, tant gros que minces, est longue à peu près de trois coudées; le fer en forme d’hameçon qui y est attaché, est de la mène longueur que la hampe. Il avance jusqu'au milieu du bois, et y est si bien cloué, qu'il ne peut s'en détacher sans se rompre, quoiqu'au bas et à l'endroit où il est joint avec le bois, il ait un doigt et demi d'épaisseur.
Sur leur casque ils portent encore un panache rouge ou noir, formé de trois plumes droites, et hautes d'une coudée, ce qui, joint à leurs autres armes, les fait paraître une fois plus hauts et leur donne un air grand et formidable, ce qui constitue pour l’ennemi un spectacle impressionnant. Les soldats d’origine modeste portent, outre cela, sur la poitrine une plaque en bronze qui a douze doigts de tous les côtés, et qu'ils appellent leur protège cœur; c'est ainsi qu'ils complètent leur armure. Mais ceux qui sont riches de plus de dix mille drachmes, au lieu de ce plastron, portent une cotte de mailles.
Les principes et les triarii sont armés de la même manière, excepté qu'au lien de javelots ils portent une lance (hasta). Dans ces trois dernières classes de soldats on en choisit dix des plus méritants pour en faire des centurions; les plus jeunes n'ont point de part à ce choix. Après ces dix on en choisit dix autres, et ces vingt sont appelés chefs de files. Le premier élu siège au conseil de l’état major. Il y a encore vingt autres optios ou serre-files, désignés par les centurions.
Chaque corps, à l'exception des vélites, est partagé en dix troupes, et chaque troupe a quatre officiers, deux centurions à la tête et deux optios à la queue. Les vélites sont répandus en nombre égal dans les trois autres ordres. On appelle ces troupes compagnies, manipules ou vexilles : et les chefs, centurions ou chefs de files. (les manipules de hastati et de principes comptent 120 hommes répartis en deux centuries de 60, ceux des triarii ne comptent que 60 hommes, soit 2 centuries de 30) Ceux-ci choisissent chacun dans leur manipule, pour enseignes, deux hommes qui l'emportent sur leurs camarades en vigueur corporelle et en force d'âme.
La raison pour laquelle on met deux centurions dans chaque compagnie, c'est qu'on ne sait ce qui pourra lui arriver au combat ou il peut être blessé ou tué; et comme en guerre les excuse n'ont aucune valeur, on ne voulait pas qu'un manipule puisse dire qu'il n'avait point de chef. De ces deux centurions, le premier élu, quand ils se trouvent tous deux présents, marche à la droite de la compagnie, et le second à la gauche : lorsque l'un des deux est absent, celui qui reste la conduit tout entière. Dans le choix de ces centurions on ne cherche pas qu'ils soient audacieux et qu’ils prennent des risques, mais qu’ils aient le don du commandement, du sang froid, et de la pondération. On ne demande pas non plus qu'ils soient prompts à en venir aux mains et à commencer le combat, mais qu'ils résistent constamment lorsqu'on les presse, et qu'ils, se fassent tuer sur place plutôt que d'abandonner leur poste à l’ennemi.
La cavalerie se divise de la même manière en dix turnes ; de chacune d'elles on désigne 3 officiers qui choisissent trois optiones pour commander sous eux. Le premier commande la turne, les deux autres tiennent lieu de décurions, et tous sont appelés de ce nom. En l'absence du premier, le second prend le commandement.
Les armes des cavaliers sont à présent les mêmes que celles des Grecs; mais anciennement ils n'avaient point de cuirasses, ils combattaient avec leurs simples vêtements : cela leur donnait beaucoup de facilité pour descendre promptement de cheval et y remonter de même. Comme ils étaient dénués d'armes défensives, ils couraient de grands risques dans la mêlée. D'ailleurs, leurs lances leur étaient fort inutiles pour deux raisons : la première, parce qu'étant minces et branlantes, elles ne pouvaient même pas être lancées juste, et qu'avant de frapper l'ennemi, la plupart se brisaient par la seule agitation des chevaux. La seconde raison, c'est que ces lances, n'étant point ferrées par le bout d'en bas, quand elles s'étaient rompues par le premier coup, ce qu’il en restait ne pouvait plus leur servir a rien. Leur bouclier était fait de cuir de bœuf, et assez semblable à ces gâteaux ovales dont on se sert pour les sacrifices. Cette sorte de bouclier n'était d'aucune défense; dans aucun cas il n'était assez ferme pour résister, et il l'était encore beaucoup moins lorsque les pluies l'avaient ramolli et détérioré, ces armes qui déjà ne rendaient guère de services, devenaient alors totalement inutilisables. C'est pourquoi, ils changèrent leur armure contre celle des Grecs. En effet, les lances de ceux-ci, étant raides et fermes, ils peuvent porter le premier coup avec force et justesse. Si elles se brisent, ils peuvent en utiliser l'extrémité inférieure, qui est ferrée. De même, leurs boucliers sont toujours costaux, et conçus soit pour se défendre, soit pour attaquer.
Aussi les Romains préférèrent bientôt ces armes aux leurs, car c'est de tous les peuples celui qui abandonne le plus facilement ses coutumes pour en prendre de meilleures chez les autres peuples.
Après que les tribuns militaires ont partagé les troupes et donné pour les armes les ordres nécessaires, ils congédient l'assemblée. Le jour venu où les troupes ont juré de s'assembler dans le lieu marqué par les consuls, rien ne peut plus les en dispenser, rien ne les relève de leur serment à l’exception des auspices et des difficultés absolument insurmontables comme la force majeure.
Chaque consul marque généralement séparément un rendez-vous aux troupes qui lui sont destinées, et qui comportent ordinairement la moitié des alliés et deux légions romaines.
Quand tous les soldats alliés rejoignent les romains, ils sont rassemblés. Douze officiers choisis par les consuls et qu'on appelle préfets, les prennent en main et les organisent (Les « praefecti sociorum étaient 3 par légion alliée et étaient des officiers supérieurs Romains).
On choisit d'abord les plus forts et les plus braves qui doivent former la garde des consuls : ceux-là s'appellent les extraordinarii (Prétoriens).
Au total on tire des alliés autant d'infanterie qu'il y en a dans les légions romaines, mais deux fois plus de cavalerie. De ceux la on en sélectionne le tiers de les extraordinarii et la cinquième partie de l'infanterie. Les préfets partagent le reste en deux parties, dont l'une s'appelle l'aile droite (ala), et l'autre l'aile gauche.
Tout cela étant réglé, les tribuns font dresser le camp pour les Romains et les alliés.
Polybe nous a donc décris dans les grandes lignes tout le processus d’incorporation des citoyens soldats. Témoin direct de ces évènements, Grec a la fois otage de guerre et amis personnel du Scipion qui détruit Carthage, son témoignage n’a pas à mon sens à être remis en doute sur ce sujet.
Plus de précision sur la panoplie et l’équipement complet des différentes catégories de soldats seront donnés dans deux chapitres dédiés : Types de soldats, et Armes et Equipement.